Formation des tornades sous orage rotatif
Mar 19 Déc 2023 - 12:46
Comme ce sujet peut intéresser plusieurs, je vous propose ici de parler de la formation des tornades sous orage rotatif.
Personnellement je serais curieux de savoir si l'approche scientifique plus prometteuse vient des équations à la parcelle (avec un filtre passe bas ou non) où de règles statistiques en fonction du dimensionnement du mésocyclone et de l'environnement.
Personnellement je serais curieux de savoir si l'approche scientifique plus prometteuse vient des équations à la parcelle (avec un filtre passe bas ou non) où de règles statistiques en fonction du dimensionnement du mésocyclone et de l'environnement.
- Pansa
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Date d'inscription : 18/12/2023
Re: Formation des tornades sous orage rotatif
Mer 20 Déc 2023 - 10:58
Est-ce que tu pourrais définir la seconde approche, afin de pouvoir répondre mieux à la question?
Re: Formation des tornades sous orage rotatif
Mer 20 Déc 2023 - 13:47
Des modèles analytiques idéalisés prédisent des lois de croissance en fonction des dimensionnements exacts des anomalies. Avec un dimensionnement approximatif (en ordre de grandeur), les lois de croissance deviennent probabilistes.
Avec des statistiques par l'observation, la réflexion est aussi probabiliste.
Ce sont mes idées mais comme je ne suis pas spécialiste je me trompe peut-être. L'idée est surtout de parler du sujet initial avec des sources précises non ?
Avec des statistiques par l'observation, la réflexion est aussi probabiliste.
Ce sont mes idées mais comme je ne suis pas spécialiste je me trompe peut-être. L'idée est surtout de parler du sujet initial avec des sources précises non ?
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- Pansa
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Date d'inscription : 18/12/2023
Re: Formation des tornades sous orage rotatif
Mer 20 Déc 2023 - 15:35
Oui, mais j'aimerais comprendre le sujet avant de m'y risquer ou de proposer des sources adéquates. Avant de savoir quelle approche est appropriée, il faudrait définir la problématique concretement. Est-ce que tu aurais un (ou des) exemple concret concernant les tornades sous orages rotatifs afin d'illustrer les deux approches dont tu parles?
Re: Formation des tornades sous orage rotatif
Jeu 21 Déc 2023 - 14:23
Je n'ai pas de sources sur ce sujet et si j'en cherche je vais me faire un avis perso (ce que je ne veux pas).
Le sujet, c'est : quelles sont les causes des tornades sous orage rotatif ? Pourquoi la couche limite de turbulence 3D se met d'un coup à accepter une concentration énorme de vorticité axée sur la verticale (qui va ensuite, je suppose, croître par résonance avec le mésocyclone) ?
Que des flux soutiennent la tornade ok mais pourquoi ces flux s'organisent contre le régime de turbulence 3D ? Faut-il invoquer une force inductive du mésocyclone comme connu pour les structures cohérentes de tourbillon potentiel auquel cas cette force inductive a une intensité quantifiable ?
Evidemment, je ne veux pas de simulations haute résolution arrangées (puits ou source d'énergie bricolée sans respect des lois de conservation).
Voilà ma proposition pour guider le sujet.
Le sujet, c'est : quelles sont les causes des tornades sous orage rotatif ? Pourquoi la couche limite de turbulence 3D se met d'un coup à accepter une concentration énorme de vorticité axée sur la verticale (qui va ensuite, je suppose, croître par résonance avec le mésocyclone) ?
Que des flux soutiennent la tornade ok mais pourquoi ces flux s'organisent contre le régime de turbulence 3D ? Faut-il invoquer une force inductive du mésocyclone comme connu pour les structures cohérentes de tourbillon potentiel auquel cas cette force inductive a une intensité quantifiable ?
Evidemment, je ne veux pas de simulations haute résolution arrangées (puits ou source d'énergie bricolée sans respect des lois de conservation).
Voilà ma proposition pour guider le sujet.
- Pansa
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Re: Formation des tornades sous orage rotatif
Jeu 21 Déc 2023 - 17:58
Je ne peux toujours pas poster de lien donc je vais juste donner les références en bas de texte, et reproduire les figures les plus intéressantes selon moi.
La formation de tornades sous orages rotatifs s'explique par la collocalisation entre courant ascendant et vorticité proche de la surface, qui va être amplifiée à la fois par étirement et par la convergence radiale de parcelles d'air avec fort moment angulaire vers l'axe de rotation dans une couche limite de type Ekman.
En général, il y a peu de vorticité immédiatement disponible proche du sol. Quand c'est le cas (cisaillement suffisamment fort proche de la surface), cette vorticité est réorientée mais s'éloigne du sol puisque l'écoulement est ascendant, donc c'est souvent pas suffisant. Il faut donc 1) un processus qui permette la formation de vorticité supplémentaire (autre qu'environnementale) entre la base du mésocyclone et la surface, et 2) un mécanisme qui transporte cette vorticité vers le sol. Une fois ces ingrédients réunis, il y a tornadogénèse selon ce que j'ai décrit plus haut.
Pour le 1), ça peut être formation de lignes de vortex le long du FFD et RFD par effets baroclines (refroidissement évaporatif) ou effets frictionnels (en interaction avec la surface). Pour le 2), on considère le plus souvent que c'est le RFD qui transporte le moment angulaire généré précédemment vers la surface, comme illustré par Markowski & Richardson (2009) dans la figure ci-dessous :
Ces mécanismes ont été suggérés iniatalement à partir d'études théoriques (Davies-Jones & Brooks 1993). Puis ensuite, il a été montré à partir d'observations radar (puis à l'aide simulations de cas réels ou idéalisés) que la contribution dominante est la génération barocline le long du FFD et RFD puis transport vers le bas par le RFD.
L'importance de la génération barocline est mise en évidence par les lignes de vortex qui enjambent l'écho en crochet, comme sur le modèle conceptuel représenté par Markowski et al. (2008) (Figure 17, ci-dessous) où on voit une ligne de vortex fermée entourant le RFD avec transport différentiel et réorientation (vers le bas par le RFD, vers le haut par l'updraft).
En comparant les observations radars pour des cas nontornadiques et tornadiques, ces mêmes auteurs ont montré que ces lignes de vortex s'observaient dans tous les cas (voir la Figure 2c et la photo annotée en Figure 19 reproduites plus bas), ce qui indique que ce processus est commun aux mesocyclones nontornadiques et tornadiques. Ca montre aussi que c'est nécessaire mais pas suffisant.
Markowski et al. (2002) (et d'autres études) ont montré que la tornadogénèse dépendait beaucoup de la température de surface dans le RFD. Leurs résultats, à partir d'observations in-situ de température, sont récapitulés par Markowski & Richardson (2009) dans la figure ci-dessous :
On voit que la tornadogénèse ne se produit pas ou est inhibée quand le RFD est très froid, que c'est faiblement tornadique pour des RFD avec des valeurs froides intermédiaires, et significativement tornadique pour les RFD les moins froids. Ca s'explique par le fait que plus l'air est froid, plus il inhibe les mouvements verticaux proches de la surface et ne permet plus l'étirement de vortex. C'est donc un problème subtil, qualifié de problème "goldilock" (d'après le conte Boucle d'Or) : on a besoin que le RFD soit plus froid que l'environnement afin de générer de la vorticité barocline, mais il faut qu'il ne soit pas trop froid afin de ne pas inhiber les mouvements verticaux.
Une fois que la tornade est formée, elle est encore susceptible d'évoluer, tant en intensité qu'en structure, sous l'influence de modifications de la couche limite, principalement à cause du RFD ou de la topographie (voir les travaux de Lewellen & Lewellen par exemple).
Davies-Jones & Brooks (1993). Mesocyclogenesis From a Theoretical Perspective
Lewellen & Lewellen (2007a). Near-Surface Intensification of Tornado Vortices
Lewellen & Lewellen (2007b). Near-Surface Vortex Intensification through Corner Flow Collapse
Markowski et al. (2002). Direct Surface Thermodynamic Observations within the Rear-Flank Downdrafts of Nontornadic and Tornadic Supercells
Markowski et al. (2008). Vortex Lines within Low-Level Mesocyclones Obtained from Pseudo-Dual-Doppler Radar Observations
Markowski & Richardson (2009). Tornadogenesis: Our current understanding, forecasting considerations, and questions to guide future research
La formation de tornades sous orages rotatifs s'explique par la collocalisation entre courant ascendant et vorticité proche de la surface, qui va être amplifiée à la fois par étirement et par la convergence radiale de parcelles d'air avec fort moment angulaire vers l'axe de rotation dans une couche limite de type Ekman.
En général, il y a peu de vorticité immédiatement disponible proche du sol. Quand c'est le cas (cisaillement suffisamment fort proche de la surface), cette vorticité est réorientée mais s'éloigne du sol puisque l'écoulement est ascendant, donc c'est souvent pas suffisant. Il faut donc 1) un processus qui permette la formation de vorticité supplémentaire (autre qu'environnementale) entre la base du mésocyclone et la surface, et 2) un mécanisme qui transporte cette vorticité vers le sol. Une fois ces ingrédients réunis, il y a tornadogénèse selon ce que j'ai décrit plus haut.
Pour le 1), ça peut être formation de lignes de vortex le long du FFD et RFD par effets baroclines (refroidissement évaporatif) ou effets frictionnels (en interaction avec la surface). Pour le 2), on considère le plus souvent que c'est le RFD qui transporte le moment angulaire généré précédemment vers la surface, comme illustré par Markowski & Richardson (2009) dans la figure ci-dessous :
Ces mécanismes ont été suggérés iniatalement à partir d'études théoriques (Davies-Jones & Brooks 1993). Puis ensuite, il a été montré à partir d'observations radar (puis à l'aide simulations de cas réels ou idéalisés) que la contribution dominante est la génération barocline le long du FFD et RFD puis transport vers le bas par le RFD.
L'importance de la génération barocline est mise en évidence par les lignes de vortex qui enjambent l'écho en crochet, comme sur le modèle conceptuel représenté par Markowski et al. (2008) (Figure 17, ci-dessous) où on voit une ligne de vortex fermée entourant le RFD avec transport différentiel et réorientation (vers le bas par le RFD, vers le haut par l'updraft).
En comparant les observations radars pour des cas nontornadiques et tornadiques, ces mêmes auteurs ont montré que ces lignes de vortex s'observaient dans tous les cas (voir la Figure 2c et la photo annotée en Figure 19 reproduites plus bas), ce qui indique que ce processus est commun aux mesocyclones nontornadiques et tornadiques. Ca montre aussi que c'est nécessaire mais pas suffisant.
Markowski et al. (2002) (et d'autres études) ont montré que la tornadogénèse dépendait beaucoup de la température de surface dans le RFD. Leurs résultats, à partir d'observations in-situ de température, sont récapitulés par Markowski & Richardson (2009) dans la figure ci-dessous :
On voit que la tornadogénèse ne se produit pas ou est inhibée quand le RFD est très froid, que c'est faiblement tornadique pour des RFD avec des valeurs froides intermédiaires, et significativement tornadique pour les RFD les moins froids. Ca s'explique par le fait que plus l'air est froid, plus il inhibe les mouvements verticaux proches de la surface et ne permet plus l'étirement de vortex. C'est donc un problème subtil, qualifié de problème "goldilock" (d'après le conte Boucle d'Or) : on a besoin que le RFD soit plus froid que l'environnement afin de générer de la vorticité barocline, mais il faut qu'il ne soit pas trop froid afin de ne pas inhiber les mouvements verticaux.
Une fois que la tornade est formée, elle est encore susceptible d'évoluer, tant en intensité qu'en structure, sous l'influence de modifications de la couche limite, principalement à cause du RFD ou de la topographie (voir les travaux de Lewellen & Lewellen par exemple).
Davies-Jones & Brooks (1993). Mesocyclogenesis From a Theoretical Perspective
Lewellen & Lewellen (2007a). Near-Surface Intensification of Tornado Vortices
Lewellen & Lewellen (2007b). Near-Surface Vortex Intensification through Corner Flow Collapse
Markowski et al. (2002). Direct Surface Thermodynamic Observations within the Rear-Flank Downdrafts of Nontornadic and Tornadic Supercells
Markowski et al. (2008). Vortex Lines within Low-Level Mesocyclones Obtained from Pseudo-Dual-Doppler Radar Observations
Markowski & Richardson (2009). Tornadogenesis: Our current understanding, forecasting considerations, and questions to guide future research
Re: Formation des tornades sous orage rotatif
Jeu 21 Déc 2023 - 19:49
Merci beaucoup pour ta longue réponse !
Doit-on plutôt dire que le régime de turbulence 3D est contré dès le début par le cisaillement particulier de la couche limite ou est contré surtout par le RFD et les ascendances concentrées ?
Au sujet du "ni trop chaud, ni trop froid"...pourrait-on imaginer un processus réchauffant le RFD après que celui-ci soit declenché ?
Doit-on plutôt dire que le régime de turbulence 3D est contré dès le début par le cisaillement particulier de la couche limite ou est contré surtout par le RFD et les ascendances concentrées ?
Au sujet du "ni trop chaud, ni trop froid"...pourrait-on imaginer un processus réchauffant le RFD après que celui-ci soit declenché ?
- Pansa
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Date d'inscription : 18/12/2023
Re: Formation des tornades sous orage rotatif
Jeu 21 Déc 2023 - 22:31
C'est une question différente ça. C'est le fait que l'écoulement est quasi hélicoïdal (vecteurs vent 3D et vorticité 3D quasi parallèles) qui affecte la turbulence, en diminuant les intéractions nonlinéaires entre échelles différentes. André & Lesieur (1977) avaient étudié les spectres d'énergie pour de la turbulence isotrope à fort Reynolds avec et sans hélicité (hélicité au sens 3D).
Dans le premier cas, ils ont représenté ci-dessous le spectre d'inertie. Si on compare le spectre inertiel (noté Ce) au spectre turbulent à t = 8 et t = 15, on constate une hausse graduelle aux grandes longueurs d'onde, avant d'approcher la partie inertielle puis un pic avant la partie dissipative.
Dans le cas avec hélicité, ci-dessous, à t = 12, on voit que le spectre dévie fortement par rapport à la partie inertielle, surtout aux grandes longueurs d'onde. Comparé au spectre précédent, on est un facteur 2-3 au dessus pour les grandes longueurs d'onde. L'implication de ce résultat est que la cascade d'hélicité inhibe le transfert d'énergie vers les grandes longueurs d'onde.
Mathématiquement, ça se comprend facilement en considérant un écoulement de Beltrami (un écoulement purement hélicoïdal). Un écoulement de Beltrami se définit par une relation de proportionnalité constante entre vecteur vent et vecteur vorticité. Si on remplace cette relation dans l'expression pour l'advection du vent,
alors on obtient que les termes d'étirement et de basculement sont équilibrés exactement par l'advection (la diminution des intéractions nonlinéaires entre échelles différentes mentionnée au début).
Pour la deuxième question, il n'est pas simple de prévoir la température finale du RFD en surface, car il dépend de plusieurs facteurs, évoluant de manière nonlinéaire. L'évaporation va être contrôlée par des processus microphysiques et le vent en altitude. Une fois que l'évaporation se fait, il faut surement encore prendre en compte l'entrainement (faible mais surement important tout de même), et l'impact du vent proche de la surface (intensité, cisaillement).
André & Lesieur (1977). Influence of helicity on the evolution of isotropic turbulence at high Reynolds number
Dans le premier cas, ils ont représenté ci-dessous le spectre d'inertie. Si on compare le spectre inertiel (noté Ce) au spectre turbulent à t = 8 et t = 15, on constate une hausse graduelle aux grandes longueurs d'onde, avant d'approcher la partie inertielle puis un pic avant la partie dissipative.
Dans le cas avec hélicité, ci-dessous, à t = 12, on voit que le spectre dévie fortement par rapport à la partie inertielle, surtout aux grandes longueurs d'onde. Comparé au spectre précédent, on est un facteur 2-3 au dessus pour les grandes longueurs d'onde. L'implication de ce résultat est que la cascade d'hélicité inhibe le transfert d'énergie vers les grandes longueurs d'onde.
Mathématiquement, ça se comprend facilement en considérant un écoulement de Beltrami (un écoulement purement hélicoïdal). Un écoulement de Beltrami se définit par une relation de proportionnalité constante entre vecteur vent et vecteur vorticité. Si on remplace cette relation dans l'expression pour l'advection du vent,
alors on obtient que les termes d'étirement et de basculement sont équilibrés exactement par l'advection (la diminution des intéractions nonlinéaires entre échelles différentes mentionnée au début).
Pour la deuxième question, il n'est pas simple de prévoir la température finale du RFD en surface, car il dépend de plusieurs facteurs, évoluant de manière nonlinéaire. L'évaporation va être contrôlée par des processus microphysiques et le vent en altitude. Une fois que l'évaporation se fait, il faut surement encore prendre en compte l'entrainement (faible mais surement important tout de même), et l'impact du vent proche de la surface (intensité, cisaillement).
André & Lesieur (1977). Influence of helicity on the evolution of isotropic turbulence at high Reynolds number
Re: Formation des tornades sous orage rotatif
Ven 22 Déc 2023 - 11:49
Je posais une question importante dans ma réflexion, mais je n'insiste pas car ma réflexion est toujours... particulière.
Merci beaucoup pour ta réponse longue !
Merci beaucoup pour ta réponse longue !
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